Après nos articles précédents consacrés aux barbarismes et solécismes, ainsi qu’aux tics de langage, voici le troisième épisode de notre série Les Intranscriptibles. Même les discours des meilleurs orateurs sont ponctués d’incorrections. Par conséquent, il appartient aux sténotypistes, transcripteurs et rédacteurs de les gommer à l’écrit, en fonction du type de restitution demandé. Cette fois, nous passons à la loupe les anglicismes qui prolifèrent, en particulier dans le milieu de l’entreprise, et ne font honneur ni à la langue française ni à celle de Shakespeare.

Qu'est-ce qu'un anglicisme et peut-on le retranscrire dans les comptes rendus de réunion ?

Selon le dictionnaire Le Larousse, un anglicisme est :

  • un idiotisme propre à la langue anglaise ;
  • un mot, tour syntaxique ou sens de la langue anglaise introduit dans une autre langue ;
  • un solécisme consistant à calquer en français un tour syntaxique propre à l’anglais.

Leur prolifération actuelle s’explique par de multiples causes : la mondialisation des entreprises et l’utilisation de l’anglais comme langue commune du business (des affaires pardon !) est un facteur important et compréhensible. L’anglais présente aussi la qualité d’être économe et efficace, parfait pour le monde pressé du travail. Le mimétisme et un phénomène d’acculturation y sont probablement aussi pour quelque chose : nous ressentons une certaine satisfaction, peut-être inconsciente, à utiliser des termes compris seulement par les pros, les vrais ! Pourtant, l’abus d’anglicisme appauvrit les échanges et massacre inutilement à la fois le français et l’anglais.

Dans le cadre d’une transcription exhaustive, ces termes doivent évidemment être repris tels quels. En revanche, il est conseillé de les remplacer autant que possible par un synonyme adéquat dans les transcriptions retravaillées et les synthèses. Une telle transposition doit s’effectuer avec discernement : certaines expressions sont rentrées pleinement dans la langue française (marketing) ou font partie intégrante du jargon professionnel de l’informatique et ne possèdent pas réellement d’équivalent. La plupart des anglicismes ne sont cependant pas opportuns, surtout lorsqu’ils sont à leur tour francisés (forwarder, splitter, etc.)

Si transposer à l’écrit timing, reporting ou call semble assez évident, il n’en reste pas moins qu’un petit mode d’emploi s’impose pour d’autres. Congrès 2000 vous présente un florilège de quelques anglicismes obscurs en vogue dans le langage entrepreneurial.

Pitch, pitcher

« On se call et je te fais un pitch ASAP ! »

Dans le monde des start-up (jeunes entreprises), pitcher un projet est devenu aussi courant que de boire un café. De l’anglais to pitch signifiant lancer, un pitch est la présentation succincte d’un projet ou d’une idée de manière à convaincre son interlocuteur, souvent un investisseur !

→ Forme correcte : « Lors du salon des jeunes entreprises innovantes, les candidates et candidats sont invités à présenter leur projet entrepreneurial. »

Splitter

« Lors du prochain team-building, le personnel sera splitté en deux teams.»

To split signifie séparer, morceler, diviser. C’est pourquoi la fameuse banane du banana split est coupée en deux !

→ Forme correcte : « Le fichier étant trop lourd, je le sépare en deux documents. »

Flaguer

« Les missions urgentes sont flaguées en rouge. »

Flaguer provient du terme flag, qui signifie drapeau. Flaguer quelqu’un ou quelque chose revient à lui attribuer une caractéristique.

→ Forme correcte : « Ces postes sont signalés comme indispensables dans l’organisation. »

Taguer

« Taguez 10 amis sous notre post et recevez une réduction sur nos produits. »

Non, un tag n’est pas qu’une forme d’art urbain ! Taguer est peu ou prou synonyme de flagger. Dans le jargon numérique, un tag est une étiquette qui permet par exemple de classer les articles d’un site internet par thématique. On tague aussi un ami sur les réseaux sociaux pour attirer son attention.

→ Forme correcte : « Ces personnes ont été identifiées sur la photo qu’il a publiée. »

Incentiver

« Cette année nous lançons les awards pour incentiver nos meilleurs collaborateurs ! »

Le terme incentive signifiant motivation, incentiver quelqu’un revient à le motiver, le récompenser.

→ Forme correcte : « Nous récompenserons nos salariés pour les efforts qu’ils ont fournis pendant le confinement grâce à une prime exceptionnelle. »

Update, updater

« Il serait temps d’updater les process ! »

Update se traduit par mise à jour, actualisation.

→ Forme correcte : « La mise à jour des logiciels s’effectue toujours la nuit. »

Meeting, morning meeting, monday meeting, etc.

« La routine du morning meeting est désormais bien implémentée ! »

Employé depuis longtemps dans le milieu aéronautique (un meeting aérien), un meeting est selon le contexte une rencontre, une assemblée, voire une banale réunion

→ Forme correcte : « La réunion du lundi matin se tiendra systématiquement salle 35. »

Workshop

« Les équipes ont été invitées à communiquer leurs idées dans le cadre de workshops. »

Un workshop est tout simplement un atelier, un séminaire.

→ Forme correcte : « Chacun est convié à participer à l’atelier de son choix. »

Wording

« J’ai modifié le wording de cette note pour que le contenu en soit plus clair. »

Bien évidemment, wording provient du mot word (mot), mais il n’existe aucune bonne raison de ne pas utiliser à la place les termes formulation ou rédaction.

→ Forme correcte : « La rédaction de la plaquette d’entreprise vient d’être modifiée. »

Feedback

« Il est primordial de donner du feedback régulier à nos commerciaux. »

Le feedback est un retour d’information, d’expérience ou un bilan.

→ Forme correcte : « Après la formation, merci de me communiquer un retour d’information sur son déroulement. »

Onboarding

« Le 1er de chaque mois à 17 heures, nous organiserons l’onboarding des nouveaux collaborateurs. »

Onboarding se traduit littéralement par embarquement, mais en entreprise il prend plutôt le sens d’accueil ou intégration.

Forme correcte : → « La procédure d’accueil est essentielle pour donner aux nouveaux collaborateurs envie de rester dans l’entreprise. »

Implémenter

« De nouvelles méthodes de management ont été implémentées depuis la rentrée. »

Le verbe to implement signifie rendre effectif et augmenterUtilisé en informatique, ce terme veut dire installer un logiciel en réalisant les adaptations nécessaires à son fonctionnement. Implanter, mettre en place, mettre en pratique ou instaurer les remplacent alors avantageusement de même que dans le domaine des ressources humaines.

Forme correcte : → « Nous instaurerons prochainement un nouveau système de prime. »

Remote, remote worker, full remote

« La crise sanitaire a entrainé l’explosion de demandes de full remote de la part des salariés. »

Remote voulant dire isolé, le remote worker est un salarié effectuant son travail d’où il le souhaite. S’il est en full remote, il travaille donc à distance à temps complet.

Forme correcte : → Travailler entièrement à distance requiert une grande autonomie mais présente beaucoup d’avantages.

Scope, descoper

« Depuis la réorganisation mon scope s’est énormément élargi ! »

Scope signifie étendue, portée, à la portée de, champ de vision. En entreprise, le scope correspond au périmètre de compétence ou d’intervention de chacun.

Forme correcte : → « Cette fonction ne relève pas de mon champ de compétences. »


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